Mettre ses choses en ordre
Le comte de Frontenac souffre d’asthme, à tel point qu’il ne parvient à dormir qu’en position assise.
À l’automne 1698, sa condition s’aggrave. Le vieux gouverneur en profite pour dicter son testament aux deux notaires garde-notes du roi, Gilles Rageot et François Genaple, le 22 novembre 1698. S’il est trouvé « gisant grièvement malade en son fauteuil dans sa chambre au château Saint-Louis », il est en revanche « sain d’esprit, mémoire et entendement ».
Il souhaite que son coeur soit retiré, mis dans un petit coffret de plomb ou d’argent, puis envoyé en France pour y être inhumé à l’église Saint-Nicolas-des-Champs, à Paris. Son corps sera ensuite confié aux récollets de Québec. Après avoir pris ses dispositions temporelles, Frontenac s’occupe de l’aspect spirituel. Il prévoit un don pour faire dire une messe basse par jour pendant toute l’année suivant son décès pour le repos de son âme, ainsi qu’un service annuel au jour anniversaire de son décès, à perpétuité.
Testament du gouverneur Louis de Buade, comte de Frontenac, 22 novembre 1698. BAnQ, Fonds Cour supérieure. District judiciaire de Québec. Greffes de notaires, CN301,S114,D1469, 4 pages.
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Une rapide agonie
Louis de Buade, comte de Palluau et de Frontenac, meurt le 28 novembre 1698, à l’âge de 76 ans. Une chronique relate que « M. le comte de Frontenac décéda sur les trois heures après-midi, muni de tous les sacrements et dans des sentiments très chrétiens, ayant eu l’esprit présent et le jugement sain jusqu’à la mort. »
Son fils unique étant décédé quelques années plus tôt, Frontenac ne laisse dans le deuil que son épouse, Anne de la Grange.
Si cette illustration circule abondamment comme étant le portrait de Frontenac sur son lit de mort, il s’agit en réalité d’une gravure de Jean-Henri Heidegger apparaissant dans l’ouvrage Fragments physiognomoniques pour propager la connaissance des hommes et les exciter à la philanthropie paru en 1778. Voir Ernest Myrand, Sir William Phips devant Québec: histoire d’un siège, 1893.

Dernier repos chez les récollets
Frontenac, qui avait le titre de « syndic général » ou « coadjuteur » des Récollets et qui, à chaque année, faisait une retraite au monastère, avait exprimé dans son testament le souhait d’être enterré dans l’église de cette communauté religieuse.
Cette volonté sera exécutée.

Acte de sépulture de Frontenac signé par le prêtre François Dupré, 1er décembre 1698. BAnQ, P1000S3D0296,P39.
Élégie d’un gouverneur
C’est le père Olivier Goyer qui prononce l’éloge funèbre de Frontenac le 19 décembre 1698. Ce religieux est le commissaire-général des récollets de la Nouvelle-France et il était le confesseur du gouverneur.
Oraison funèbre du comte de Frontenac prononcée dans l’église des récollets de Québec le 19 décembre 1698 par le père Olivier Goyer, publiée par Pierre-Georges Roy, Lévis, Bulletin des recherches historiques, 1985, 36 pages.
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Coeur et rancoeur?
Rappelons que le gouverneur avait demandé à ce que son cœur soit retiré et déposé dans un coffret métallique afin d’être transporté à Paris pour y être inhumé. Il s’agit d’une pratique assez répandue chez la noblesse française de l’époque. Joseph Marmette, un romancier québécois populaire de la fin du 19e siècle, a écrit que le cœur du défunt a été présenté à sa veuve, Anne de La Grange-Trianon, et que celle-ci aurait déclaré: « Je ne veux pas d’un cœur mort qui, de son vivant, ne m’a point appartenu. » La réalité est toutefois bien différente de cette version romanesque. Conformément au testament de Frontenac, les récollets ont apporté le coffret contenant le cœur à l’église Saint-Nicolas-des-Champs. Il a été inhumé sous le dallage d’une chapelle latérale, la chapelle des Montmor, auprès des restes de la sœur et de l’oncle du défunt gouverneur de la Nouvelle-France.

À gauche : Quelques chapelles latérales de Saint-Nicolas-des-Champs. Wikimedia Commons, Paris 16, 2017, Licence Creative Commons Attribution 2.0 Generic. À droite : Plan intérieur de l’église Saint-Nicolas-des-Champs par Lèbe-Sigun, dessinateur, 1861. Musée Carnavalet, D.14500-7.
Un incendie
L’église des récollets, lieu de la sépulture de Frontenac, est détruite par un incendie près de 100 ans plus tard, le 6 septembre 1796. Les restes des gouverneurs Frontenac, de Callières, Vaudreuil et de la Jonquière sont alors recueillis et transportés dans les caveaux de la cathédrale Notre-Dame de Québec. Une tablette placée en 1890 sur l’un des piliers de la basilique porte cette inscription : « À la mémoire de quatre gouverneurs de la Nouvelle-France dont les restes, d’abord inhumés dans l’église des Récollets, furent transportés en sept. 1796 dans cette église », puis énumère les défunts. On ne connaît toutefois pas l’emplacement exact des ossements, ceux-ci ayant été déplacés à plusieurs reprises.

Église et couvent des récollets de Québec vus du château Saint-Louis, tels qu’ils apparaissaient avant l’incendie du 6 septembre 1796. Ernest Gagnon, Le Fort et le château Saint-Louis (Québec) : étude archéologique et historique, 1895, p. 263.